Un siècle d’ornementation des façades liégeoises 1860-1960
03/06/2019 > 03/06/2022
Une gargouille inquiétante au bord d’une corniche, un masque grimaçant taillé dans la pierre, une girouette en métal, un bouquet de fleurs taillé dans le bois d’une porte, un visage de femme énigmatique représenté sur un linteau, un coucher de soleil représenté sur un panneau de céramique, une composition géométrique abstraite réalisée en mosaïque, des perroquets majestueux paradant sur un vitrail… L’observation des façades liégeoises ne cesse de nous révéler des détails surprenants, parfois amusants et souvent d’une grande qualité d’exécution.
L’exposition vise à mettre en relief, tout ce « petit » patrimoine de nos façades, qui leur confère leur cachet et participe à l’agrément de nos promenades dans les différents coins de la ville. Elle s’inscrit à l’aval d’un vaste travail d’observation et de relevé photographique effectué par le Département de l’Urbanisme de la Ville de Liège depuis 2012, dans tous les quartiers de la cité. Une sélection de plus de 300 clichés a été effectuée au sein de cet inventaire, en veillant à ce que soit représentée la diversité des d’éléments, des matériaux et des styles.
En détails…
Dans la rue, le promeneur ou pas hâtif ne prête pas toujours attention à la richesse des détails. Afin d’attirer l’attention sur la grande richesse des décors, les photographies ont été regroupées par matériaux et par éléments. Rien que pour les boiseries, nous pouvons ainsi distinguer les châssis de fenêtres, les portes, les portes de garages, les oriels, les balustrades ou les décors de corniches moulurées. La gamme des décors en métal est plus étendue encore : grilles de protection des baies de caves, garde-corps des balcons, épis et faîtes des toitures, portes métalliques, ferrures de portes en bois, ancres décoratives, éléments de devantures commerciales…
Un aspect particulier de l’architecture liégeoise est par ailleurs la grande diversité des matériaux de parement, car des phénomènes de mode ont impliqué de grands changements au gré des décennies. À côté des briques rouges traditionnelles et des pierres bleues sculptées toujours très présentes, il convient aussi de distinguer les décors en enduits moulurés, les briques émaillées et de couleur, ou encore la grande diversification des types, couleurs et mises en œuvre des moellons en pierre à partir des années 1900. Enfin, de nombreuses façades liégeoises intègrent également des des panneaux décoratifs, ornés de motifs figuratifs ou abstraits réalisés dans différentes techniques : céramique, mosaïque et mosaïverre, fresques, sgraffites, vitraux.
Ces ornements ont aussi pu être réalisés sur mesure grâce au savoir-faire de nombreux artisans spécialisés. La période de 1860 à 1960 est certainement celle au cours de laquelle le traitement décoratif des différents constituants des façades a été le plus poussé, avant que l’architecture n’entre dans une ère plus technique et standardisée, et donc moins portée sur les détails décoratifs. L’exposition permet dès lors également de se familiariser avec l’évolution des styles architecturaux au cours de cet intervalle d’une centaine d’années. Les façades liégeoises témoignent en effet d’une appropriation des différents courants architecturaux européens, qui ont été adaptés aux traditions constructives locales. Le répertoire ornemental a évolué au gré des différents styles qui se sont succédé ou ont coexisté pendant ce siècle de riche créativité architecturale : Néo-classicisme, Historicisme et éclectisme au 19e siècle ; Art nouveau et style Cottage ou Anglo-Normand au début du 20e siècle ; Art déco, style Beaux-Arts et Modernisme au cours de l’entre-deux-guerres. La quête du décor se poursuit jusque dans les années 1960, à travers des réminiscences de styles ornés (Art déco tardif, Classicisme moderne, Modernisme ludique ou « style Expo 1958 »). Parfois moins considérées par manque de recul, ces architectures de l’immédiat après-guerre sont loin d’être inintéressantes et peuvent aujourd’hui être regardées avec un regard patrimonial.
Beaucoup de ces éléments décoratifs sont des petits bijoux qui témoignent du génie et de l’inventivité de leurs concepteurs, qu’il s’agisse des architectes et artistes qui les ont dessinés, ou des artisans liégeois spécialisés qui les ont exécutés et parfois même aussi imaginés. Mais c’est aussi un patrimoine fragile, parfois menacé par la méconnaissance, la négligence ou le mauvais entretien. L’exposition vise donc aussi à sensibiliser les propriétaires à en prendre soin. Pour ce faire, des panneaux illustrent les conseils d’entretien à appliquer et présentent les aides financières de la Région wallonne pour la restauration du Petit patrimoine populaire de Wallonie. C’est aussi l’occasion de mettre en évidence la collection des guides de bonnes pratiques rédigée par le Département de l’Urbanisme de la Ville de Liège, afin de sensibiliser les propriétaires et de leur fournir des conseils pour poser les bons choix. Les guides déjà disponibles portent sur l’entretien des parements des façades, les éléments décoratifs, les toitures, les châssis, les portes anciennes en bois, les portes anciennes en métal, les corniches, les grilles des aies des caves, les ferronneries de balcons, les oriels et les vitraux.
« La préservation des détails architecturaux ornant les façades constitue un enjeu important en termes de qualité et d’originalité de notre paysage urbain. Dans cette perspective, le premier des conseils est l’entretien régulier. Des boiseries et des ferronneries repeintes régulièrement se conserveront très longtemps. Les éléments cassés peuvent en outre être réparés ou les pièces manquantes restituées. C’est pourquoi il est aussi recommandé de procéder à une surveillance régulière. Il est ainsi possible d’intervenir rapidement en cas de pépin, avant la formation de dégradations plus importantes dont la réparation sera plus coûteuse. Dans le cas des portes et des châssis, il existe aussi de nombreuses solutions qui permettent d’améliorer les performances techniques des structures anciennes en termes de sécurité ou d’isolation, sans devoir d’office passer par un remplacement total. Enfin, dans les situations vraiment trop dégradées, un remplacement à l’identique peut constituer une solution pour préserver l’esthétique du bâtiment, permettant par exemple de refixer les ferronneries d’origine sur de nouvelles boiseries. Il convient dans ce cas d’être attentif à la qualité de l’exécution et de choisir pour ce faire un entrepreneur expérimenté dans le type de travaux envisagés. En cas de nécessaire adaptation ou transformation, il est par ailleurs préférable de respecter l’esprit initial de l’architecture et des premiers commanditaires : pourquoi enlever un décor qui n’est pas abimé ou qui pourrait être réparé à peu de frais ? Dans le cadre des opérations de nettoyage, il convient d’être attentif à utiliser des méthodes qui ne soient pas agressives pour les matériaux. Par rapport aux enjeux de performance énergétique, il convient de rappeler que l’accent doit d’abord être placé sur l’isolation de la toiture, avant de se pencher sur celle des murs. Si la façade à rue présente un décor de qualité, il est déconseillé de l’isoler par l’extérieur, sous peine de faire disparaître tout caractère intéressant. L’isolation par l’intérieur est une piste possible, mais l’isolation des autres murs apportera déjà une réponse satisfaisante. »